Comment réagir à une mauvaise idée ?

par | Mar 9, 2023 | Inspirations

Le professeur Robert Baron de l’Ecole Polytechnique Rensselear à New York a interviewé 108 salariés d’une grosse entreprise agroalimentaire sur leur perception du conflit en entreprise. Ils ont identifié et classé 14 sources de conflit. Parmi ces facteurs, les feedbacks négatifs mal exprimés sont classés comme étant plus néfastes que la pénurie de ressources financières ou même les conflits territoriaux.

La façon dont le management communique les feedbacks négatifs est très impactante. Elle peut étouffer les idées innovatrices au moment même où l’entreprise a le plus besoin d’intelligence innovante.

En revanche, un manque d’esprit critique vis-à-vis d’idées nouvelles peut également être problématique.

Prenons le cas du fameux Palo Alto Research Center (PARC) chez Xerox. Bon nombre de ses idées innovatrices en matière de microordinateurs sont ressortis de ce centre. Pourtant, aucun résultat financier significatif n’en est ressorti. D’autres, tel que Steve Jobs, ont su exploiter certaines de ces idées géniales et les a transformées en projets rentables. Pourquoi le PARC a-t-il échoué en tant que source de revenus pour Xerox ?

Le problème du PARC résidait dans le fait que la culture était trop axée sur l’innovation. La question du profit n’a pas été assez étudiée et critiquée.
Pour résumer, comment les leaders peuvent-ils trouver un bon équilibre entre motiver l’innovation et assurer les résultats financiers ?

Voici trois suggestions que nous avons partagées avec nos clients.

Supprimer le “ton” dans “ton idée”.

Une première approche utile est de créer un scorecard pour les nouvelles idées qui évitent aux leaders de tirer sur les messagers en disant « C’est nul » ou « Tu nous fais perdre du temps ».

Ce scorecard peut être très simple : « Sur une échelle de 0 à 10 pour la créativité, je donne un 7. Sur une échelle de 0 à 10 pour la capacité à générer du chiffre pour l’entreprise, je donne un 2. Y a-t-il une manière de modifier l’idée pour que la possibilité de créer de la valeur passe à 6 ? ».

Vous remarquerez que le mot “tu” n’est jamais prononcé.

Une méthode de type scorecard permet aux collaborateurs de comprendre vos critères d’évaluation d’idées nouvelles. Cela fournit un cadre prévisible. Grace à cette prévisibilité, vous évitez de provoquer des réactions du type « Mais RIEN ne peut lui plaire ??!! ».

La façon dont vous réagissez à de mauvaises idées établit le cadre pour l’avenir de bonnes idées

Si vous travaillez dans un secteur où la recherche prime, comme dans l’industrie pharmaceutique, vous savez que la vaste majorité des nouvelles idées méritent leur mort. Cependant, les apprentissages qui accompagnement le traitement des mauvaises idées crée le chemin pour des approches futures pratiques et innovatrices.

Par exemple, nous avons croisé un leader dont la réaction à une mauvaise idée était un regard glaçant de trois secondes, aucun commentaire, puis d’ignorer la personne jusqu’à la fin de la réunion. Etant donné cette réaction, pourquoi un collaborateur risquerait-il de présenter de nouvelles idées ?

En tant que leader vous n’avez bien entendu aucune obligation d’accepter les mauvaises idées, mais vous pouvez tout de même exprimer de la reconnaissance envers la personne qui les exprime. Votre objectif est de créer un terreau fertile pour les idées futures.

Nous recommandons à nos clients un script de type « Voici ce que j’aime et voici ce qui a besoin d’être retravaillé ».

Par exemple:

“Ce que j’aime dans cette idée est qu’elle aborde un vieux problème de notre secteur d’une manière radicalement nouvelle. Ce qu’il faut encore développer ce sont les étapes concrètes qui amèneront nos clients à changer leurs habitudes. Quel en serait le coût ?”.

Remarquez que le mot « tu » n’intervient jamais. L’emphase est sur l’idée.

Vous obliger à réagir à des idées que vous détestez de manière cadrée vous aide à éviter le type de condamnation en bloc qui fait que votre département ou entreprise est connu comme l’endroit où les idées nouvelles sont enterrées.

Si, en regardant une proposition, vous ne trouvez pas un seul élément qui vous plait, nous suggérons d’éviter de donner du feedback, au moins dans un premier temps. Accordez-vous un temps de réflexion. Votre premier jugement n’était peut-être pas le bon.

Déléguer son scepticisme

Une troisième approche pour exprimer du feedback face à des idées nouvelles est de déléguer son scepticisme. Il y a deux façons de faire :

a) Désigner l’avocat du diable de l’équipe. Ceci signifie que vous demandez à un membre de votre équipe de jouer un rôle spécifique pendant cette réunion. Et ce rôle consiste à être la personne la plus sceptique sur terre.

Faites tourner ce rôle lors de chaque réunion portant sur des idées novatrices.

b) Une deuxième façon de déléguer la critique est de démanteler le système de noyau et rayons que vous avez peut-être créé.

Dans ce type de système en étoile, le patron est le noyau et les collaborateurs ayant des propositions nouvelles passent systématiquement par lui pour approbation ou désapprobation. Ils n’ont pas forcément besoin d’en parler avec des collègues dans d’autres départements de l’entreprise.

Le système “noyau et rayons” augmente l’importance du patron et renforce la mentalité en silo des membres de l’équipe.

Réfléchissez à l’idée suivante : avant de vous soumettre chaque idée nouvelle, le collaborateur doit partager son idée avec deux pairs en dehors de son domaine d’expertise. Vous aurez ainsi délégué la critique et cabossé la mentalité de silo.

Votre rôle critique en tant que leader

Ces propositions consistent à remplacer une réaction spontanée par une approche structurée de la gestion du feedback négatif.

Une réaction spontanée peut être interprétée comme une insulte implicite à l’encontre de la personne ayant présenté l’idée. Elle peut être aussi interprétée comme une disqualification professionnelle de la personne.

Ce n’est peut-être pas votre intention, mais ce type de feedback négatif tue l’innovation. Evitez la spontanéité. Pensez à une approche structurée, comme par exemple l’une des trois approches suggérées ci-dessus.

Nos propositions ont pour objectif de créer un climat permettant un équilibre entre l’innovation et la critique.

Au début de cet article nous citons l’étude du Professeur Robert Baron. Dans le cadre de celle-ci, il soumet un groupe d’étudiants à des critiques destructrices au sujet d’une tâche qu’ils avaient effectuée. Par « destructrice » nous entendons que le feedback était général (« c’est nul ») et que la mauvaise performance était attribuée à des défauts personnels (« Tu sembles manquer d’attention aux détails »).

Après être exposés à ces critiques, les étudiants devaient effectuer une nouvelle tâche. Dans le cadre de celle-ci, les étudiants se sont fixé des objectifs moins ambitieux que ceux qui n’avaient reçu aucun feedback ou un feedback positif.

Cette réaction se retrouve également dans les entreprises : en critiquant les individus de manière irréfléchie, nous créons une culture de la peur.

filet avec 2 bulles

Ces articles pourraient vous intéresser

Le paradoxe de l’intelligence artificielle

Le paradoxe de l’intelligence artificielle

Dans son livre de 1994, The Global Paradox, Naisbitt a prédit deux tendances apparemment séparées qui émergent ensemble : le tribalisme augmentera alors que…

Cherchons les bijoutiers

Cherchons les bijoutiers

Et voici l’histoire de l’enfant qui se pensait inutile : C’est l’histoire d’un enfant, qui un jour alla trouver...