« Découvrir un sens à sa vie » : un vrai feel good

par | Mar 4, 2025 | Inspirations

Ces derniers jours, j’ai relu l’ouvrage de Viktor E. Frankl*. Il y décrit sa vie au sein d’un camp nazi. Ses observations cliniques fondent les options thérapeutiques qu’il diffusera par la suite.

C’est dur à lire, je ne vais pas vous le cacher. Surtout quand nous savons que l’Histoire bégaie et que les « plus jamais ça » font rire jaune. 

Pour autant, ce témoignage est un vrai feel good. L’espérance est là. Pendant ces années d’internement, Frankl a vécu et observé que la souffrance humaine, aussi atroce soit-elle, ne détruit pas systématiquement l’être humain. Elle peut même l’élever. 

Selon moi, et ce n’est que ma lecture, il ouvre alors un champ pour une santé mentale optimale, par-delà la souffrance.

Comment survivre à l’épreuve ? 

C’était il y a tout juste 80 ans. Les portes du camp de concentration où Viktor E. Frankl est interné depuis plusieurs années s’ouvrent. Le psychiatre autrichien titube et ose une tête hors des barbelés… comme seuls 3% de ses congénères d’alors. Comment ont-ils fait ?

Comment survivre aux humiliations, au froid, aux privations de nourriture, à la violence extrême, à la mort omniprésente ? Comment survivre à l’insensibilité qui découle du spectacle quotidien de l’horreur ? A la disparition de la joie ? A la souffrance pure et aux abysses de solitude et d’absurde ?

L’art de traverser l’épreuve ou la liberté de choisir la réponse

Ce qui fait la différence, d’après Viktor E. Frankl, ce n’est pas l’intensité de la douleur, mais la capacité de chacun à choisir la façon de vivre cette douleur. A plonger au cœur de lui-même, retrouver sa lumière et sa force intrinsèque pour décider un autre chemin. Frankl a observé que, même dans ces conditions extrêmes, chaque prisonnier, à sa manière, avait un pouvoir : celui de décider comment il allait réagir à cette souffrance.

Cette prise de conscience n’est pas un luxe selon lui. C’est une question de survie mentale. De survie tout court. 

Plusieurs choses l’ont sauvé, littéralement : penser à son épouse et aux moments vécus ensemble, nourrir le projet de reprendre l’écriture d’un manuscrit perdu à l’arrivée au camp et transmettre le fruit de son expérience dans le camp. 

En tant que professionnel de l’accompagnement, il a aidé nombre de ses co-détenus (et même des capos, chefs des baraquements) à retrouver le sens de leur vie. 

C’est ce sens retrouvé, au cœur de l’absurde, qui a permis à certains de résister à l’horreur. Quand bien sûr, ils ne succombaient pas à la maladie et aux mauvais traitements infligés. 

Quel lien avec nos vies professionnelles ?

Vous allez me dire que l’organisation dans laquelle vous évoluez n’a rien de concentrationnaire. Bien sûr. Je n’aurais l’indécence de comparer l’incomparable.

Pour autant, les défis d’une organisation, les crises internes, les incertitudes qui pèsent sur les environnements, les transformations, les luttes pour la performance créent aussi des souffrances.

Surcharge, turnover, environnement complexe et mouvant. Mesure permanente d’une performance mal définie. Sans parler des souffrances spécifiques des DRH, l’écartèlement entre la santé mentale des collaborateurs à préserver et la performance demandée par le Comex, conseil d’administration, actionnaires…? 

Comment, dès lors, donner un sens aux souffrances parfois bien présentes ?

Le regard du psychiatre Viktor E. Frankl nous éclaire 

Nous ne pouvons rien contre les événements extérieurs qui nous sont donnés à vivre mais nous pouvons décider de la façon dont nous les vivons.

La façon dont je vis ce qui m’est donné à vivre est de ma responsabilité. C’est ce qui fait la grandeur de chacun d’entre nous : nous sommes libres et responsables de nos réactions, pensées et actions face à ce que nous sommes amenés à vivre.

« Entre stimulus et réponse, il y a un espace. Dans cet espace réside notre pouvoir de choisir notre réponse. » – Viktor E. Frankl

Il ne dit pas que c’est facile. Il ne dit pas qu’il faut le faire seul. Il dit simplement, et je le crois profondément, que chacun est capable de retrouver un sens, de plonger en son cœur et d’y trouver les ressources. Et qu’il est même souvent nécessaire de le faire en étant accompagné par un professionnel de la relation d’aide (qu’il soit médecin, thérapeute ou coach, en fonction de la problématique). 

Sans cette profonde conviction, je ne ferai pas le métier embrassé aujourd’hui. 

La santé mentale : la tension choisie

« Il est risqué de croire que la santé mentale dépend avant tout d’un équilibre intérieur dénué de toute tension. Ce dont l’humain a besoin, ce n’est pas de vivre sans tension, mais bien de tendre vers un but valable, de réaliser une mission librement choisie. » – Viktor E. Frankl

Selon lui, ce qui nous équilibre n’est pas la détente absolue, mais une tension choisie, issue d’un appel à accomplir quelque chose qui a du sens pour nous.

Quelle tension dans nos entreprises choisissons-nous de mettre en œuvre ?

Lorsque je dois jongler entre exigences de performance et bien-être des équipes, la tension existe. Frankl propose une orientation : la pleine santé mentale réside dans le fait de réaliser une mission librement choisie.

La question est donc : comment dans nos organisations, cette tension choisie se traduit-elle concrètement ? Comment transformer la pression en moteur de motivation plutôt qu’en source d’épuisement ?

Cela se joue dans la manière dont les équipes sont impliquées dans la définition des objectifs, dans la façon dont les défis sont communiqués et partagés, dans la multiplication des espaces de dialogues, dans la diffusion d’une culture du feedback et de la reconnaissance mutuelle, dans la reformulation des difficultés en « quêtes de sens ».

Créer un environnement où les personnes peuvent choisir leur tension, c’est les autoriser à se sentir acteurs, responsables, et à apporter un sens personnel à leurs actions quotidiennes.

Une liberté à redécouvrir

Ce que Frankl m’enseigne et me rappelle, c’est que, face aux événements de la vie, la liberté existe. Celle de choisir la manière dont j’y réponds. 

Nous avons, individuellement et ensemble, à redécouvrir cette liberté, à la choyer et la cultiver. Pour continuer à être, chaque jour, un peu plus humain. 

C’est aussi cela, être mieux, pour faire mieux. Tout simplement. 

*Découvrir un sens à sa vie grâce à la logothérapie de Viktor E. Frankl. Pour en savoir plus sur la logothérapie, vous pouvez aller regarder, par exemple, le site de l’EFrATE (https://efrate.org/), l’Ecole Française d’Analyse et de Thérapie Existentielle. 

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